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2016-11-22T12:24:02+01:00

A toi

Publié par aupetitbonheur

Tu n’étais pas une grand-mère parfaite. Je n’ai pas été une petite-fille parfaite. Loin s’en faut. A nous deux on réunissait pas mal de défauts.

Toi la têtue, la caractérielle. Toi la force, la résilience. Toi, l’enfant puis la femme que la vie avait oublié d’épargner. Te construisant dans la souffrance de l’absence des gens les plus aimés. Toi qui n’as connu que l’amour dans la perte. Espoirs déchus. Tu as aimé toute ta vie à l’imparfait, faisant de toi une mère beaucoup trop imparfaite pour beaucoup trop de tes enfants. C’est vrai que des choses à te reprocher ils en avaient. Mais jamais ils n’ont essayé d’apprendre l’enfant puis la femme que tu avais été. Empreinte de ton mal d’amour, tu n’as pas su aimer, tu n’as pas su leur montrer.

Moi, la seule petite fille que tu as vraiment pris le temps de connaître, grâce aux espoirs d’une fille mal aimée devenue mère à son tour. Moi qui ai construit une partie de ma vie grâce à toi.

Le pain dur qu’on faisait tremper pour donner aux pigeons, tes tentatives échouées de réussir un repas équilibré, nos balades matinales au marché, les jeux d’eau que tu m’y achetais, les bassines remplies d’eau pour y jouer, les frites surgelées… Puis nos rires, nos instants de tendresse.

Et puis ton absence. Du jour au lendemain la douleur de l’absence, pour mes yeux d’enfant qui ne saisissait pas toute la complexité des relations humaines. Plus de 10ans. C’est long 10 ans. Pourtant j’ai essayé. Les appels, les visites. Mais rien d’autre ne te préoccupait plus que ta nouvelle vie. Cette vie, je l’ai compris plus tard, qui venait panser ce mal d’amour qu’on n’arrivait pas à combler. Non pas qu’on ne t’aimait pas assez, mais pas comme il le fallait.

Quand tu es réapparue dans nos vies, plus de 10 ans après, bien malgré toi, bien malgré nous, il a fallu choisir. Te pardonner ou pas. Le pardon est un long chemin. Il l’a été pour beaucoup d’entre nous. Et puis le temps a fait son œuvre, et tu as vieilli. A 90 ans, tous les maux qui t’atteignaient ne suffisaient pas à te faire faillir. Tu en ressortais toujours plus forte. Parce que la vie t’avait mis face à tant d’épreuves qu’une hospitalisation n’égalait jamais la souffrance ancrée en toi.

Mamie. Je me suis mariée il y a un mois et demi. Je devais t’amener ton petit cadeau et en profiter pour t’annoncer ma grossesse, mais j’ai tardé, reportant toujours à demain. Puis tu as été hospitalisée. Et comme chaque fois j’ai refusé de te voir dans cet environnement stérile. Je viendrais te voir après.

Je t’ai revu ce lundi matin à 6h30. Ton corps commençait à refroidir. Même s’il semblait que  tu dormais, on voyait les prémisses d’une mort passée par là. Je n’ai pas voulu te toucher, préférant garder ancrée en moi la chaleur de ton corps plein de vie. C’est une fois seule avec toi que j’ai pleuré. Je n’étais pas venu t’apporter ton cadeau de mon mariage, te montrer les photos et surtout t’annoncer que c’était une petite-fille. Cette petite fille que tu me réclamais chaque fois que je venais te voir, mais que tu ne tiendras jamais dans tes bras.

Alors j’ai pleuré la petite fille égoïste que j’ai été, incapable de venir te voir parce que fatiguée, trop loin, d’autres choses à faire. J’ai pleuré ma stupidité. Celle qui m’a fait croire que cette fois encore je viendrais taper à la porte de ta chambre, que tu me raconterais ta maman partie trop tôt, les corps sans vie que tu as découvert de ta sœur et ta nièce préférant la rejoindre, ce père te faisant porter la culpabilité de trop de choses dont tu n’étais pas responsable, la faim, le froid, la solitude, l’impossibilité de suivre l’homme que tu aimais, la souffrance physique d’un mariage sans amour, un divorce, ces enfants qui prenaient trop de place pour ton cœur tellement lourd. Je ne parlerai plus trop fort pour que tu m’entendes, je ne te piquerais plus les kinder que maman t’achetait et que tu n’aimais pas, on ne rira plus en refaisant le monde…

Il parait que c’est beau quand on arrive de l’autre côté. J’ai lu ça quelque part. On y retrouve les gens qu’on a tant aimés. Ils sont tous là, à nous attendre. Va mamie. Rejoins-les. Embrasse-les. Profite de votre éternité. Veille un peu sur nous aussi. Je ne te dis pas à bientôt, ce serait trop tôt pour moi, mais un jour je sais qu’on se retrouvera là-bas. Et puis mamie, je ne te l’ai jamais dit, mais je t’aime.

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commentaires
V
Jen pleure encore tres souvent , et encore maintenant en lisant ta lettre mon coeur. On continu a vivre sans elle , elle nous a donne ce quelle a pu , a nous d apprendre a vivre avec. Je t aime ma puce.
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C
C'est une magnifique déclaration d'amour ❤️ elle qui t'entend lui écrire doit être si fière qu'on puisse parler d'elle ainsi ... ta gd mère semble t'avoir appris bcp de choses sensibles et reelles malgré son passé et vécu ! Tu écris tellement bien qu'on semble presque l'avoir connu ❤️
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V
Merci copine, je suis très touchée. Des bisous

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